Éditorial de La Tribune des travailleurs n° 238

Pour empêcher la catastrophe : rupture avec les exigences mortelles du profit capitaliste !

La distribution (payante) de masques par les grandes surfaces et supermarchés fait scandale. Les professionnels de santé protestent, nombre de responsables politiques aussi. À juste titre. Ce qu’il se passe est en effet scandaleux. Mais il n’y a rien d’étonnant à voir que Macron, serviteur des grands groupes capitalistes, leur confie une mission hautement profitable.

Dans un communiqué daté du 1er mai, la Fédération du commerce et de la distribution – FCD, qui regroupe les grandes chaînes d’hypermarchés et de supermarchés – dévoile avoir obtenu « fin mars » l’autorisation d’acheter des masques « sur les marchés internationaux (…) à la demande de l’État ». Fin mars ! Alors que la pénurie était à son maximum (y compris pour les soignants), le gouvernement encourageait les grands trusts à se constituer des stocks de masques ! Et la FCD ose écrire que « nos enseignes sont fières de participer une nouvelle fois à une mission de service public » !

Quelle honte ! Un service public ? Non, un marché (un de plus) offert aux grands groupes pour la plus grande joie de leurs actionnaires. Rien d’étonnant : au même moment où il encourageait ainsi les grandes surfaces à faire leur razzia sur les masques, le gouvernement faisait aussi voter par l’Assemblée nationale une enveloppe de 343 milliards offerte aux banques pour le renflouement des capitalistes. Ces mêmes capitalistes qui donc, d’une main, touchent de gigantesques capitaux publics et, de l’autre, annoncent ou préparent de vastes plans de restructuration et de licenciements (déjà en route à Air France, à la Fnac, Aéroports de Paris et bien d’autres). Les mêmes aussi qui, s’appuyant sur les ordonnances, généralisent le chômage partiel, confisquent les RTT et les congés payés, imposent des semaines de travail jusqu’à 60 heures.

On ne le rappellera jamais assez : le plan de 343 milliards offerts aux banquiers et aux capitalistes (augmenté à 400 milliards depuis) a été adopté le 19 mars à l’unanimité des députés, de l’extrême droite à la gauche parlementaire dans toutes ses composantes (PS, PCF, LFI). Ce vote est un vote fondateur, le socle sur lequel reposent toutes les mesures anti-ouvrières prises depuis huit semaines par le gouvernement.

À propos de l’affaire des masques monopolisés par les supermarchés, Mélenchon s’est déclaré « écœuré » : il a raison. Mais ne devrait-il pas être tout autant (voire plus encore) « écœuré » par l’affaire des 343 milliards qui donnent aux banquiers et aux capitalistes le pouvoir de décider ce qu’ils veulent, pour la situation actuelle de pandémie, et aussi pour celle de l’après ?

Eh bien non : sur les 343 milliards, Mélenchon, après les avoir votés, reste muet. Mais au quotidien espagnol El País (5 mai), il confie qu’il ne veut pas d’un « choc frontal » avec Macron, mais veut agir comme une « opposition de proposition et constructive ». À l’instar deMélenchon, toutes les composantes de la « gauche » parlementaire respectent la ligne dessinée par leur vote pour les 343 milliards : non pas l’union nationale avec Macron, mais une forme de pacte de non-agression qui s’en rapproche. En un mot : laisser faire le gouvernement et l’encourager.

Sur un plan syndical, on note que si la CGT et la CGT-Force ouvrière rejettent le pacte social les intégrant à l’État (dans lequel Medef, gouvernement et CFDT aimeraient les entraîner) ; si, à juste titre, elles revendiquent des garanties sérieuses pour la protection sanitaire des travailleurs et de la population ; pour autant, elles évitent de mettre en cause le plan des 343 milliards offerts aux banquiers et aux capitalistes, qui est pourtant le socle de l’offensive contre les travailleurs et leurs syndicats.

Le pays va au-devant d’une véritable catastrophe sanitaire, mais aussi sociale et économique. Flambée du chômage, extension de la misère et crise alimentaire frappent des millions et des millions. À quoi s’ajoute une véritable crise de la démocratie rongée par l’accumulation de mesures liberticides.

Empêcher cette catastrophe exige d’assumer le « choc » avec Macron et sa politique, c’est-à-dire la rupture du pacte de non-agression avec lui. Car il s’agit en réalité d’un pacte de non-agression avec les banquiers et les capitalistes, ceux-là mêmes qui ne se privent pas de s’attaquer à tous les droits ouvriers et à précipiter des millions de travailleurs sur la voie de la misère et de la précarité.

Huit semaines de confinement ont montré, en creux, la puissance de la classe ouvrière. Quand le Medef exige que la production reprenne, il fait un aveu : les capitalistes sont dépendants de la classe ouvrière sans laquelle aucune marchandise n’est produite, donc aucune richesse nouvelle produite, donc aucun profit nouveau réalisé. Et cela est vrai aussi des services publics sans lesquels les salariés ne peuvent être transportés, l’énergie nécessaire produite, les matières premières acheminées, les enfants soustraits à la garde leurs parents salariés.

La puissance de la classe ouvrière ne peut être plus clairement établie. Mais comment peut-elle agir pour empêcher la catastrophe qui menace ? Elles sont nombreuses les organisations qui, au plan politique ou syndical, revendiquent de représenter, plus ou moins, la partie la plus exploitée de la société. Que ces organisations constituent un bloc sur un programme d’urgence pour imposer en particulier l’interdiction des licenciements, le maintien de tous les salaires, la distribution massive et gratuite des masques et autres moyens de protection et dépistage, et aussi des denrées alimentaires nécessaires à la survie de la population ; que pour financer ces mesures et d’autres encore, elles se prononcent pour la confiscation des 343 milliards (aujourd’hui 400 milliards) et la nationalisation sans indemnités ni rachat du système bancaire ainsi mis au service d’une relance de l’activité économique qui parte des besoins de la population et pas des profits ; que toutes les organisations qui se revendiquent de la classe ouvrière s’accordent sur un plan de lutte et de mobilisation sur ces mesures d’urgence ; qu’elles affirment haut et fort qu’elles n’hésiteront pas à poser la question du pouvoir sous la forme d’un gouvernement d’unité ouvrière rassemblant les organisations et les représentants de travailleurs afin d’imposer ce programme d’urgence et de rupture ; nul doute alors que les plus larges masses répondraient avec enthousiasme à un tel appel à agir et à s’organiser pour faire prévaloir ces exigences ; oui, dans ces conditions, la catastrophe peut être empêchée !

Perspective ambitieuse, certes. Mais, sauf à se résigner à la catastrophe qui se dessine chaque jour un peu plus, est-il une autre voie ? Depuis le début de cette crise, des centaines de travailleurs, militants, jeunes ont rejoint les rangs du Parti ouvrier indépendant démocratique parce qu’ils comprennent la nécessité d’aller au combat, de se préparer au « choc » contre la classe des capitalistes et son représentant, le gouvernement Macron-Philippe, ils comprennent la nécessité de la rupture.

Plus que jamais, l’heure est venue de renforcer le parti ouvrier pour aider à dégager une solution ouvrière à la crise, empêcher la catastrophe qui vient, ouvrir la voie à l’unité ouvrière qui en a la capacité.