Géo, c’est au nom de notre amitié et de nos engagements communs que je souhaite te rendre cet ultime hommage.
Comme tu le rappelais le 14 juin lors de ton dernier mardi, il y a quarante ans que nos chemins ont convergé, en 1982 (c’était lors d’un congrès national de la libre pensée où tu représentais la fédération du Rhône et moi celle de l’Ain).De discussions passionnées en premiers accords, ou en premiers désaccords, ce furent immédiatement des dialogues sans agressivité et pourtant sans concessions, toujours menées amicalement, souvent accompagnées d’éclats de rire.
Durant ces 40 ans tu m’as également souvent donné, en tant qu’ami, des conseils que j’aurais parfois dû mieux suivre, car sous ton air modeste et gouailleur, tu étais un fin psychologue et tu as souvent prévu, y compris me concernant personnellement, ce que je n’ai vu que des années bien après toi.
Lors de ton dernier mardi tu fus égal à toi même quand tu as déclenché un éclat de rire chez tes visiteurs, Béatrice, Didier, et moi-même : la musicothérapeute te demandant « vous aimez la musique ? » Tu réponds « non, la politique »
La politique, ah la politique, il m’a semblé longtemps que tu étais né dedans, dans la SFIO et dans la Libre Pensée.
En fait nous avons découvert grâce à ton interview et à l’enregistrement que Joseph Bonneton en fit, que tu étais né d’une famille pauvre mais d’une famille primitivement soumise à sa pauvreté par le poids de la religion et de la tradition.
Et nous avons découvert selon tes propres dires ton passage progressif de la droite à la gauche.
À la fin de cet interview tu nous lègues trois anecdotes révélatrices, « Les funérailles », « Le carême » et « Le mariage » : Il s’agit des funérailles d’un ami auquel il est interdit d’assister parce que ce sont des obsèques civiles, il s’agit d’une vache abattue parce qu’elle s’est cassé une patte mais qu’on ne mange pas parce que c’est le carême, il s’agit d’une mariée de force qui dit NON, qu’on remarie, qui cette fois dit oui avant de se suicider un mois plus tard. Ces événements marquant ton entourage familial dans ta prime enfance t’ont à jamais révolté contre la soumission aveugle au poids des traditions.
Désormais je comprends mieux ton attachement ultérieur aux 3 flèches symbole de la SFIO d’origine, l’une contre le cléricalisme, la seconde contre le militarisme, et la troisième contre le capitalisme.
Après une longue période où tu as cherché ta voie en lisant l’ensemble de la presse, depuis celle des royalistes jusqu’à celle de la gauche anticléricale, tu as finis par adhérer à la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) à la fin de la quatrième république et non au Parti Socialiste Autonome (PSA) qui venait pourtant de se détacher de la SFIO sur sa gauche. Ton engagement à la Libre Pensée suivit et fut constant jusqu’à tes derniers moments au service des soins palliatifs de MACON.
Comme postier tu fus gréviste autant que nécessaire, tantôt proche de la CGT et tantôt proche de la CGT-FORCE OUVRIÈRE, tantôt adhérent de l’une ou de l’autre, regrettant toujours la division des rangs ouvriers.
En 1983-1984, rupture définitive avec ce qu’était devenu le PS, parti justifiant désormais la cinquième prétendue république, et parti au pouvoir mettant fin à la libre négociation par les syndicats des conventions collectives et donc sonnant avec le très catholique DELORS la fin de l’échelle mobile des salaires qui existait de fait jusque là.
Puis adhésion dès sa fondation au « Mouvement Pour un Parti des Travailleurs » (MPPT) dans l’orientation duquel tu reconnais l’intégralité de tes positions.
Dès lors nos engagements furent communs jusqu’à la fin, du Parti des Travailleurs (PT) au Parti Ouvrier Indépendant (POI) puis au Parti Ouvrier Indépendant Démocratique (POID)
Geo, au nom de tous ces combats que nous avons menés, au nom de notre amitié commune pour l’humanité et pour les exploités, je te salue !
Jean-Michel BOULMÉ pour le POID de l’Ain